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Photos comme des fenêtres ouvrant les vents anciens. Cigarette enluminée des leçons de vaillance, l’oncle détache l’ombrelle des phares et bavarde le brossage des cycles du temps. Pantalon en pantoufle à l’entrée du domicile, il erre comme un nuage parmi d’autres nuages. Sa voix tient une canne chevrotante, même vieillesse que les tours sur eux-mêmes des petits garçons polis près de Zâyandeh-rud. L’ami est sans chaussure, marche sur le lit des morts avec l’antiquité d’un roi, agrippant son territoire tel le poète qui éprouve trop son âme. Et sur la commode croulante de Khayyam et Hafez, une chape que nous baptisons poussière pousse pareille à un lierre, bouclier amateur de ballades et poèmes. 

 

Dans le matin extraverti, le coq sonne la couleur verte du renouveau, les échappées d’une école de fillettes, et les récitations d’une école de garçons, non loin la garçonnière à demi nue, sans toit et de murs défaits, tel un vestige Persepolis. Avant le réveil du soleil, l’artisan des soupes arrose les têtes coupées d’une potion difforme, guirlandes affaiblies et pois aléatoires. Mélange accompli du matin. Au-dessous, les courses des enfants en refrain frénétique. Le commerce d’une cour donne l’écho aux manies d’un linge aboli sur l’étendoir au trait avachi. Et soudainement, le rinçage des pluies accidentelles au-devant des déserts.

 

 

L’oncle est un père pour d’autres qui tanguent à l’iranienne dans la mélancolie des après-midi chaudes. Falsifiées sous le noir intense du khôl, sur les yeux, dans les yeux et jusque dans les traits velus qui portent une expression, le charbon est taillé au foulard circonflexe de la sévérité. L’une couche l’élégance sur un lit de silence. Toute parole qui vaut est celle de la prière, un bréviaire conjugué à l’absence de torts. L’autre excède la mesure, le principe, les formules, et file à bras ouvert vers la folie boudeuse contre hommes et patrie. L’ultime jeune ailée garde la discrétion de l’une, le bavardage de l’autre en symbiose maligne. Aime le berceau du pays, ses lumières, ses devoirs, les épingles assignées au profil du visage.

 

 

Elle est la préférée du père, parce qu’elle foudroie la crainte.

 

 

Elle sourit comme une pêche au regard du printemps, fanée sur le tissage des tapis, à la manière des glycines endormies, l’oreille saluant l’épaule. Et dans l’encadrement d’une ouverture grossière, elle ressemble davantage à cet arbre fruitier qui habite les jardins, grenadier, pommes, prunier font ombre sur ses mots. L’image naît dans le silence. Et le soir, la prière, l’interruption du monde, le rencard des excuses, de la pierre et des fronts.

Et le soir, chaque abri porte en lui, des plateaux, des horloges, des miroirs consciencieux, où se dresse l’étalage d’enveloppes de satin pour un corps dénudé.

 

Ce même soir, le père, l’oncle, le mari en patience, passe la porte, laissant les visages des femmes devant le recueillement de leur autoportrait. Suit la trame des colonnes, couloirs et corridors, identique au veilleur qui enjambe les rues, sème sur les mendiants quelques grains de riz blanc, et marche comme un homme qui connaît sa vieillesse.

 

Esther Morand

Photo par Olivia Morant

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Commentaires: 1
  • #1

    Claudia Morand (mercredi, 08 février 2017 14:56)

    Très belle écriture, Esther! ça me plait beaucoup!

    signée : la tata du Cantal